Peinture, Écorce et Pluie

Ni littéraires, ni scientifiques,
d
ocuments d’investigation,
sans prétention à l’esthétique ou à la rigueur objective,

Ces textes sont la marque de peinture sur les arbres afin d’identifier et de reconnaître les sentiers empruntés et les voies de traverses. Les marques certifient que le passage a bien eu lieu pour celui qui l’emprunté et viennent appuyer le randonneur lorsqu’il fait face à une quelconque incertitude..
Elles lui confirment qu’il n’est pas perdu.

L’encre est la peinture, la feuille est l’arbre.

Chacun de ces articles atteste le passage et pré-vient le lecteur.
Mieux qu’un trait de peinture, ces lignes cherchent également à effacer leur passages,
à passer au jet décapant les couches accumulées de peintures urbaines sur les murs. Elles s’écaillent et sautent les unes après les autres.

Quelle est la couleur du mur originel ?

Derrière les briques, peut-on saisir entre ses doigts le sable
et le laisser conter les plages ondulantes
et les grands fonds marins qui ont su le former ?

Combien de tags ainsi avons-nous empilés
comme autant d’étiquettes identitaires à notre cou plombé ?

A chaque couche qui disparaît sous le jet salvateur,
sous l’effet des intempéries et du soleil nature,
nos genoux se rapprochent un peu plus du sol,
nos mains se désengagent des affaires du monde
pour se trouver l’une et l’autre par les paumes accolées.

Ce double usage de la peinture — marqueur et couche à ôter — reflète la perspective de ces textes, ainsi que leur portée universelle, à la fois

Immédiate : en tant qu’avancée dans la quête de la nature de l’esprit.

ils marquent les points de repère et les charnières sur le chemin. En cela, ces textes sont le corps même de cette investigation. A celui qui creuse le sol, ils sont à la fois la pelle et la terre.

Et testamentaire : Ces traits de crayon sont les traces de pieds qui certifient que le randonneur a emprunté le chemin.

S’ils peuvent donner confiance à celui qui vient.
Ces pas, ces mots, cependant ne sont rien.

A la première pluie venue, ou sous les chaînes des engins du promoteur immobilier, ou piétinés par les groupes bruyants de randonneurs du dimanche, ils s’effaceront.


C’est sans importance. La matière qu’ils révèlent n’existe que dans l’instant.
Comme la manne biblique, elle ne peut se stocker.
Ces mots existent pour et par la joie simple de la fluidité.
Celle du stylo qui peint et qui grattouille légèrement la surface du papier.


Article en lien : Stocker Dieu

Franck Joseph

©FJ August 2019

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