De l’importance d’être René

Quand la première personne, censée alimenter pour empêcher de dépérir l’enfant à être, ne le fait pas…

Est-ce le presque-né qui ne le mérite pas?
Est-ce la mère qui manque à son devoir?
Est-ce un devoir conscient d’ailleurs?
Ou bien un simple non- accomplissement du processus habituel de la nature dont les deux protagonistes sont le jouet ignorant?
Et l’un et l’autre, sous des angles divers, subissent les effets, en silence, toujours.
Quand bien même ils crieraient, il faudrait lire derrière l’épaisseur de leur douleur, la souffrance sourde.

Il faudra que le temps finisse par faire fondre les croûtes qu’il a lui même endurcies, pour laisser apparaître l’adulte ne parvenant à faire confiance à personne..celui qui voit la trahison dans la main qui se tend.

Quand l’enfant, trop petit, mais toujours trop grand, sent qu’il aurait mieux valu être ailleurs qu’ici.
Et qu’il sait que l’ailleurs, aussi loin qu’il se trouve, n’est rien d’autre qu’un ici qui s’ignore,
Est-ce la mère, submergée par ses sentiments déchirés, qu’il convient de blâmer?
Ses propres parents, son mari, qui pourraient expliquer pourquoi elle ne sait pas accueillir et faire place?
Ou l’enfant qui ne sait s’adapter au milieu, incapable dans l’œuf, maladroit pour la vie?

Il faudra la patience d’un entourage aimant pour qu’il sache traverser sa peur de l’échec et sa conviction folle qu’il est toujours de trop, qu’il n’est jamais assez…
Il faudra qu’il remarque que même s’il fait tout pour s’égarer et pour que l’univers entier le fuit, il reste encore aimé, au delà du bon sens.

Et quand il naît sans air, sans prévenir vraiment, comme une lettre d’excuse, griffonnée dans l’urgence, qu’on placera au chaud dans une boîte, avec les autres gribouillages des génies trop pressés, à qui on a pas dit d’attendre que la lampe soit frictionnée trois fois.
Est-ce la mère tendue qui n’a pas patienté, lasse de porter, qu’il convient de blâmer?
Ou alors l’enfant qui respire à contretemps, qui se lance dans la vie comme un saxophone jazz dans un concerto baroque?

Il faudra que l’adulte regarde derrière lui et se voit happer l’air, briser les murs, casser les codes et mourir d’ennui, étouffé par la bêtise épaisse des gens bien nés…
Il faudra qu’il accepte d’être lui.
D’aimer sa liberté rieuse et triste, pour qu’elle devienne son meilleur aiguillage.
Et le courage aussi d’aimer les gens, d’oser voir la fragilité dans leurs défaillances et leurs manquements,
Et de regarder quand même.
D’oser voir sa fragilité, celle du presque-né, du nouveau né, du nouvel homme qu’il devient, l’obscurité des voies qui l’ont englouti souvent.
De regarder quand même et de s’aimer pour ça.

 

 

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