En Zazen, la pleine conscience est déjà présente.
La pleine conscience est une version laïcisée de la pratique Vipassana. Les composantes explicitement spirituelles ont été ôtées de cette pratique originelle afin d’élargir le spectre du ciblage thérapeutique (au sens large) : C’est la naissance du MBSR de Kabat-Zinn. ‘M’ pour ‘mindfulness’.
Souvent traduit par ‘Pleine Conscience’, il n’est peut être pas inutile d’envisager des traductions alternatives, non pas pour remplacer la traduction répandue mais pour en augmenter les harmoniques et en enrichir la fréquence :
-Pleine Présence, Vraie Présence, Attention Elargie, Habiter le Moment….En sanscrit, smṛti signifiant : « se rappeler, se souvenir d’être conscient »
Inspiration, Expiration : Vipassana
Vipassana (Insight Méditation) est en réalité l’alternance naturelle de Samatha (concentration) et de Vipassana (sagesse/ connaissance directe/ insight.)
La respiration entre ces phases de méditation avec objet et sans objet est intéressante.
Dans la première phase (Samatha) s’incluent les approches du balayage corporel (enseignée à l’origine en Birmanie (Sayagyi U Ba Khin).
Le corps et la respiration sont les objets de l’attention en Vipassana.
A partir de leur observation, on parvient à développer la position de témoin, d’observateur neutre. On ne rajoute ni n’enlève rien à la réalité de ce qui se produit.
‘Les voitures passent dans la rue et leurs moteurs vrombissant me dérangent une fois de plus’ devient ‘les voitures passent dans la rue’. Enfin, cette réalité ne devient rien, elle est ainsi. Et nous avons ajouté nos élucubrations, projeté nos sensations…
Ce témoin commence alors à voir défiler des scénarios auto-générés, puis dans ces scénarios (i), il observe des constantes, des motifs répétés. Il voit ensuite passer ces motifs. Sans les juger, négativement ou positivement, les motifs s’en vont et les scénarios qu’ils sous-tendent se jouent sans que le témoin n’y accorde une importance disproportionnée.
Respiration : Dhyana (zazen)
La pratique de zazen englobe ces deux approches sans les hiérarchiser, ni les structurer. Elle observe leurs mouvements. Une place infinie est laissée à la liberté de l’expérience de chacun. Mieux : La liberté de chacun dispose de l’infini pour se dérouler.
L’absence d’un cadre strict—et pouvant être reproduit comme dans le cas du protocole MBSR–peut être déroutante pour le pratiquant débutant. C’est précisément dans cet espace de liberté que peut se s’exprimer l’empirisme de l’expérimentation.
Dans le fait de s’asseoir, Dhyana, pratique ancestrale du Bouddha, et d’autres avant lui, il y a Vipassana.
Dans Vipassana, il y a la pleine conscience.
C’est aussi l’une des huit branches de l’octuple sentier représentant la dernière des quatre nobles vérités (enseignement de base du Bouddha Shakyamuni) : l’attention juste (smirti).
La pleine conscience de Kabat-Zinn est orientée vers la Réduction du Stress (‘SR’ dans ‘MBSR’). Elle a donc un but-louable- de protocole d’aide concrète et scientifique (normalisée)
L’approche offerte par la simple assise (zazen) est Mushotoku (absence d’esprit de profit). Il n’y a pas de but.
Et, dans cette absence de but est aussi présent celui de Kabat-Zinn…
Cette assise est une des seules choses que nous faisons dans nos vies pour rien. Cela ne signifie pas que toutes nos actions en dehors du zafu sont intéressées et égocentrées. Néanmoins, elles sont toutes orientées. Nous vivons notre vie penchés en avant, poussés de l’arrière : Lorsque je prends ma douche, c’est pour partir travailler. Lorsque je travaille, c’est pour nourrir ma famille. Lorsque je tape ce texte, c’est pour le distribuer plus tard. Lorsque je passe du temps avec les enfants, c’est pour passer du temps avec eux (pouvoir valider le fait que j’ai accompli cette action, que je considère comme action à accomplir et éviter la culpabilité de ne pas l’avoir fait).
Lorsque nous nous asseyons en zazen, c’est pour nous asseoir en zazen. Parfois, c’est aussi pour pouvoir dire que nous faisons partie des gens qui ‘méditent’. Dès lors, ce n’est plus zazen, plus la simple assise que nous pratiquons.
Nous avons l’opportunité de percevoir que : lorsque je ne fais pas, alors, enfin, je fais…Le faire au cœur même du non-faire.
Selon les sensibilités, chacun pourra choisir parmi les différentes écoles de pratique et courants bouddhistes et non-bouddhistes. Pourtant ceux-ci cloisonnent par leur cadre culturel, leur référentiel linguistique. Si ces cadrages sont sains et peuvent agir en garde-fous, ils sont aussi autant d’occasion de s’embourber dans d’interminables architectures conceptuelles, loin de toute pratique réelle, de toute expérience…
Dans l’espace infini de la pratique de Dhyana, Vipassana permet d’emprunter quelques chemins, quelques sentiers.
Dans l’océan gigantesque, parfois agité de l’assise, la pleine conscience est la bouée, où nous pouvons nous accrocher pour arpenter les vagues, le temps de ‘souffler’.
Revenir au cœur, n’est-ce pas cela le mouvement éternel ? Celui même que le Bouddha et d’autres ailleurs, avant et depuis, accomplirent.
Congrès, conciles, conciliabules, bulles inconciliables, herméneutiques élastiques, schismes entre les -ismes, édifices à deux faces… jeux de pouvoirs, niches à identification, détours et plaisirs d’apothicaires étriqués.
Franck –
