Âme qui Vive

-Qui vit la nuit?
-Les artistes, les taupes, les rats et les voleurs….
-Non : qui vit la nuit?

Vivre la nuit n’est pas l’expression d’une contradiction ou de quelque comportement corporatiste.
Vivre la nuit n’est pas un état de fête.
C’est un état de fait.

A un instant les paupières tombent et le voile se lève sur un autre univers.
Quelques heures plus tard, le brouillard matinal tombe et l’être se lève.
Entre ces deux instants, la vie n’a pas cessé.

Alors qui vit la nuit?
Qui est celui qui vit la nuit?
Aucune limite ne semble pouvoir le restreindre et le cadre du jour ne peut tout contenir.
Une fois les yeux ouverts, quel est celui qui, de, l’intérieur, a vu la nuit?
Quel est celui qui vit la nuit?

Entre nous tous qui dormons comme on ouvre et on ferme des parenthèses, attendant le jour pour accomplir la suite de nos schémas de la veille, et qui pensons la nuit comme la mort du jour…
Qu’il se prononce, qu’il s’annonce, celui qui vit la nuit.

Le diurnocentrisme banalisé nous fait négliger la chaleur et la douceur des feux de nuits.
Nous appelons « endormi » ce qui dépasse la conscience classique.
On pensait autrefois qu’au bout de l’océan visible, les navires chutaient. Seul celui qui voyait de plus haut savait. Notre champ d’expérience ne s’arrête pas au bord de nos paupières. Le moment est propice à l’inclusion de la rotondité de nos vies.

La nuit la vie passe en plus grand, plus profond, plus intime, plus incroyable encore que les mille merveilles qui peuplent nos journées.
Savons nous la chevaucher? Savons nous faire confiance et voyager?
Lorsque toutes les lois tombent en miettes sous les étincelles étoilées, sommes-nous de ceux qui vivent la nuit?

A qui sont donc ces terres distendues, confortables, joyeuses, sereines ou effrayantes qui nous traversent et nous arpentent?

« Décharge neuronale, compensations psychiques, expressions digestives… »
Entendez-vous les non-initiés qui prêchent chaos, chimie et subjectivité?
Regardez-les derrière leurs pupitres, leurs écrans, leurs bureaux, leurs volants, leurs assiettes, leurs costumes, leurs tickets, occupés à attendre leur tour…
Ils nient la vie la nuit, mais dorment tout le jour.

Franck

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