Quitter le Corps-Esprit

La recommandation de Maître Dogen de « quitter le corps et l’esprit » peut sembler contradictoire avec, d’une part, l’instinct du pratiquant, et d’autre part les multiples conseils que l’on peut recevoir ou lire ici et là, d’ « unifier le corps et l’esprit ».

Le pratiquant cherche à approfondir la connaissance qu’il a de son corps. Au fil des séances, il affine son ressenti, ainsi que le logiciel par lequel ce ressenti s’appréhende.
Pour ce qui est de l’esprit, la familiarisation est de mise. c’est la règle qui s’impose de l’intérieur au fur et à mesure des constatations que le pratiquant est amené à faire: temps passé à ruminer, perte énergétique, schémas circulaires, anticipations ultra parcellaires….
C’est un combat de mousse. Il ne s’agit pas d’alimenter la bête en injectant des logiques guerrières ou  de quelconques techniques de rétention.
C’est un combat qui se gagne en ne le menant pas, un territoire qui se conquiert en ouvrant les frontières.
Une fois parvenu à cette saisie plus ou moins fluide et continue, pourquoi irais-je tout quitter?
Pourquoi chercherais-je à « quitter » ce que j’ai « unifié »?

Cette contradiction est pourtant une incompatibilité de surface et s’estompe d’elle-même alors que la pratique s’intensifie.

En réalité, pour réellement quitter le corps et l’esprit, c’est à dire pour ne plus les investir et chercher des bouées de sauvetage d’identification au travers des différentes facettes que présentent ces deux interfaces d’existence (corps/esprit), il faut précisément avoir un corps et un esprit unifié, investis, familiers.
En clair, pour sauter du navire, il faut avoir…un navire. (cf extension de ce principe au Zen)

A défaut d’une telle identification, il demeurera impossible de quitter ce corps-esprit.
Il n’aura de cesse de nous rappeler, de se rappeler à nous.
C’est en cela que la souffrance physique, au sens, par exemple d’un genou qui tire, d’un membre ‘endormi’, d’une épaule tendue est l’occasion d’une dés-identification profonde.
Avant de parvenir à cette étape de l’expérience méditative, il faut avoir totalement fait ‘corps’ avec cette sensation physique ainsi qu’avec les alarmes tirées par l’esprit, c’est à dire les appels à bouger, à rompre la posture. il faut avoir senti l’urgence à cesser ou à modifier, surgir, grandir et s’estomper ou pas.

Dès lors, sans que cela ne soit le fruit d’un raisonnement quelconque, il est possible de quitter le corps-esprit. Plus précisément, le corps-esprit se quitte.

C’est incroyable l’espace que l’on occupe pas lorsque qu’il ne s’ouvre pas à nous.
Comme il est étriqué le placard à balais que nous appelons royaume.

(Cf Respirer Pour les Autres)

(Cf « Laissez glisser le corps-esprit »: le cadeau (2))

Franck

Un commentaire

Laisser un commentaire