Matthieu traverse le jardin zen du temple Kodaiji.
Lentement, il passe les bosquets touffus, il perçoit les reflets de la mousse humide dont les grosses pierres semblent se revêtir. Il laisse onduler son coeur aux mouvements légers que le râteau a su imprimer sur les fins graviers.
Parvenu au terme de ce chemin, il note l’absence d’issue et il scrute alors avec insistance les voies d’échappées possibles et ce n’est qu’après avoir brossé l’ensemble de son environnement direct qu’il renonce et rebrousse chemin.
Pendant quelques secondes, ses yeux sont frappés d’incompréhension : le chemin qu’il rebroussait, bien qu’il vienne de le traverser lentement et avec intention, il ne le connaît pas. Il ne s’agit pas des suites d’un jeu intellectuel consistant à la nouveauté redécouverte de tout ce que l’on envisage avec un esprit vierge d’a priori ou de représentation.
Ce qu’il voit, il ne l’a jamais vu, son angle de vue a pivoté et, bien que ses pas se déplacent dans l’exact tracé inverse du chemin parcouru, tout lui jaillit à la conscience, dans une fraîcheur incroyable.
Ainsi, l’homme de 40 ans cherche à poursuivre sa vie dans les mêmes directions que celles qui l’ont conduit à cet âge charnière.
Les choses de la vie et les mouvements qui les sous-tendent se chargeront rapidement de lui montrer à quel point ces efforts de prolongations sont une voie de souffrance.
De gré ou de force, par son corps, il lui faudra plus ou moins rapidement renoncer. Tout surcroît d’acharnement le rétribuera de son ilôt de souffrance inextricablement lié.
L’homme rebroussera chemin et abordera cette dernière moitié de vie avec tristesse, lamentation et amertume.
Puisse-t-il avoir le même regard que celui qui parcourt le jardin zen en sens inverse pour en retrouver le point d’entrée. Puisse son cœur se délester suffisamment pour lui offrir l’émerveillement du retour.
Puissent ses yeux s’ouvrir à l’authentique nouveauté.
©FJ August 2021 –
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