Il bouge lentement – il faut qu’on le regarde.
En accrochant aux recoins de ses lèvres un sourire mystérieux, il espère convoquer dans l’oeil de ses paires l’admiration qui naît lorsque la pratique perle au visage du méditant.
Matthieu n’était pas épargné par le phénomène du manteau de spiritualité.
Lui aussi se recouvrait de ces vêtements du factice et simulait le resultat pour mieux feindre le cheminement.
Pourtant, sur ce chemin, il était allé assez loin pour ne pas croire sincèrement qu’il était parvenu quelque part.
Ainsi, depuis longtemps, il avait enfilé les citations des grands sages et profité des faveurs de ce biais cognitif qui veut que le locuteur est censé comprendre l’objet de son langage.
Les condensés de sagesse qui encapsulent ces perles des grands sages, quel besoin avait-il encore de jouer les maîtres spirituels dans sa façon de se mouvoir en public ?
Il y a quelques minutes à peine, assis sur le coussin de méditation, il était en proie à tous les tourments d’un mental qui le retournait comme le ferait un champion de catch face à un maigrelet combattant du dimanche.
Par ces allures, il tentait d’établir un contact entre la surface de son être et les couleurs du fond de l’être.
Ici encore, entouré de pratiquants dans un lieu de pratique, même baigné des vapeurs d’encens de la séance encore chaude.
Il lui faillait s’adonner à ce qui n’est rien d’autre qu’un acte de communication, une attitude de plus.
Qu’elle ait trait au ‘spirituel’ ne change rien à la démarche, si ce n’est que cet enduit de noblesse la rend plus difficile à débusquer en tant que tel :
Toujours se dire.
Toujours appeler l’autre à nous entendre.
L’acte de communication est un écho de solitude, une onde d’instabilité profonde qui vient éclore en ridule ridicule.
Ce sage authentique, l’être éveillé n’a pas de démarche, ni de stratégie de communication.
La sagesse à son regard, la paix à son sourire ne cachent rien.
Ils sont la forme que prend la sagesse non obstruée.
©FJ Nov 2021
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