« Il n’y a plus de vie privée »


(Cette note est issue d’un commentaire reçu)

A nouveau, j’y reviens,
Je ne peux me laisser séduire par le leurre d’un effondrement de la dichotomie privé / public ou pour la reformuler dans le contexte des réseaux sociaux – et être au plus en accord avec un ressenti profond : pudique/ vulguaire.

La position que tu mets en lumière, à savoir la possibilité, tout en s’adressant théoriquement à tout le monde, de me montrer que ce que nous choisissons de notre complexité, de notre réalité est en réalité fondé : c’est ce qui se produit lors d’un discours officiel : la parole est large et aseptisée  – c’est aussi ce que nous constatons sur les réseaux où l’on tend assez rapidement vers le niais.


Voilà ce qui contribue à expliquer l’incroyable succès des thématiques ‘new age’ : elles sont universalisantes et construites pour être en adéquation avec les positionnements que tu soulignes.

En clair, ce type d’approche fait le lit des flots du n’importe quoi.
En y souscrivant, malgré nous, nous contribuons à cette montée des eaux new age en gloubi-boulga de non sens où quelques-uns, lancent leur bouée par dessus les vagues et tentent d’exister pendant que tous, dans leurs propos se noient.

L’autre raison pour laquelle je ne peux finalement être d’accord avec ce type de communication
(« que je parle à tout le monde ou pas, ce que je dis ne change pas grand chose »)
C’est qu’elle abonde dans le sens des grands tenants de ces plateformes : elle démontre la parfaite obéissance aux conditionnements en amont et ne peux donc que me déplaire : il y a quelques années, Mark Zuckerberg , lors d’une interview restée célèbre a laissé échapper, en réponse à la question suivante : « ne pensez-vous pas que Facebook vient empiéter sur la vie privée des gens ? »
– « There is no such thing as private life anymore » 
(la vie privée n’existe plus)

Je pense que nous, utilisateurs, génération, citoyens… nous sommes noyés lorsque les vannes de l’indifférence ont été ouvertes.
Les conséquences sont impressionnantes et je ne sais pas les détailler ici.
J’invite simplement à considérer ce que cela implique, au niveau psychique,

Quelque chose de très dense et puissant vient programmer la tristesse chez les utilisateurs des réseaux sociaux pour qui en vient à confondre le cadre de sa vie, les deux côtés de sa peau, le dehors et le dedans.

La préservation, farouche s’il le faut, de l’espace privé, permet de maintenir l’équilibre, d’alimenter le processus d’individuation.

Il existe une proportionnalité inverse entre le niveau d’individuation d’une personne et le temps passé sur les réseaux.
Ces dernier reflète le degré d’obsession de l’image et le niveau de besoin à se dire encore et encore.
En clair : l’incapacité à la solitude (Pascal), au silence, à la familiarisation avec son intériorité.

Étonnamment, ou pas, beaucoup d’aspirants au statut spirituel, passent un temps très conséquent à consulter les reflets de leur image digitale, à l’entretenir, à la mettre en adéquation avec une stratégie personnelle dont ils sont plus ou moins conscients.

C’est le second point qui me chatouille dans le positionnement que tu proposes (« je n’ai rien à cacher, tout ce que je pense peut-être public)… il y a quelque chose de naïf, comme si une partie déjà était emportée par les flots de l’indifférenciation et appelait le monde à la rejoindre,.

En envoyant les fleurs et le hirondelles.
J’y reviens, le chien et le loup.
Je suis le loup qui a failli se faire avoir par les propos mielleux du chien des réseaux et puis…j’ai vu la marque du collier.

Qu’advient-il vraiment lorsque les barrières privé/public se sont effondrées ?
La mise en laisse, l’asservissement fourbe par un endormissement, le fruit d’une communication àvisée universlle, donc insipide et creuse.
Où chacun s’imagine devenir le coach de l’autre et où chaque intervention est une business card que l’on tend,
Où tout le monde se voit. (Panopticon)

Le culte du vulgaire se répand , se normalise, et s’habille des impensables vêtements de la douceur, de la bienveillance.
Ceci cache en réalité une grande violence.

La verras-tu avant qu’elle ne te frappe ?

Franck September 2023
Recueils / Participations/ Pratique

Laisser un commentaire