S’attendre

Il faut que je

Les attentes que l’on entretient pour soi-même maintiennent une tension permanente.
Laisser filer ces attentes, comme les pétales légers filent avec le vent quand on ouvre la main…est une expérience.
Et tout s’envole alors: être un bon père, un professionnel respecté, un expert en la matière, un sage surplombant la vie avec un doux sourire, un ami fidèle et solide, un bon amant aguerri, un aventurier sauvage, un esthète raffiné, un artiste sensible, un bricoleur débrouillard…

Si j’alimente des croyances à mon égard, par exemple, en essayant de correspondre à une image relevant de telle ou telle croyance me concernant, je neutralise instantanément toute possibilité de me voir tel que je suis en ce moment.

Tant que ces attentes sont présentes, je cherche à les rencontrer.
En cherchant à les faire advenir, je les nourris.
En les nourrissant, je m’absente de la vie à portée de main.
Celle qui est en moi, quand la vivrai-je alors?
Si je m’attends toujours, comment pourrais-je me rencontrer?

L’exigence envers soi-même peut alors être une fuite-plus ou moins délibérée- du présent. Ces attentes ont tendance à se rigidifier avec le temps. Elles évoluent à la superficie de notre être et pourtant semblent occuper toute la profondeur de celui-ci.

De simples croûtes correspondant souvent à une solution temporaire pour guérir d’une blessure intime, elles évoluent en densité et finissent par gagner tout le tissu de notre mental qu’elles sclérosent année après année, déception après déception, ambition après ambition…

Débrayer, laisser les mécanismes s’emboîter sans pour autant être de la partie.
Les velléités s’épuiseront sans que cela ne nous concerne vraiment.
Plutôt que de vouloir ne plus vouloir, il faut avoir perçu que ces attentes font notre malheur et celui des autres. Elles forment une roue où nous courons en tout sens, vers l’inatteignable satisfaction.
Seul un pas de coté nous en fera sortir et nous pourrons alors voir la roue tourner et comprendre que c’est précisément la nature de la roue que de tourner. La liberté de ne plus s’y essouffler ne change rien à la roue, mais tout pour le hamster.

Il faut que tu

Les attentes que l’on a envers les autres nous enferment dans une position d’incomplétude. Cesser d’espérer rend disponible à ce qui est, et peut advenir.
Dès que l’autre n’est plus perçu comme détenteur des éléments de notre bonheur, nos ressources s’éclairent et apparaissent disponibles à notre regard.

Attendre que l’autre nous rende heureux est aussi faire le choix– inconscient–de l’immobilisme et de la frustration.
Cesser d’espérer voir le comportement de l’autre s’aligner avec nos attentes c’est aussi lui rendre sa liberté d’être ce qu’il est.
Tant que je m’afflige de ce que je considère comme des manquements à ce qu’ils devraient faire (ou ne pas faire)  pour me rendre heureux, j’enferme les autres dans le champ étroit de mes attentes. Je vois le monde à travers le spectre de mes besoins et de leur non-contentement. En les maintenant dans cet enclos d’anxiété, je n’ai pas de relation à eux, j’entretiens seulement mes représentations.
Si je déverrouille les œillères de ce champ de vision, je leur laisse toute latitude pour être. Je me laisse aussi tout l’espace pour les aimer.

Franck 

3 commentaires

    1. oui, c’est vrai. Ce ne sont pas les désirs qu’il faut incriminer, mais l’attachement à tel ou tel désir et à sa concrétisation. (??)
      Merci Janine,
      A bientôt
      F

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