Il n’existe pas, à proprement parler, de liberté dans la possession en elle-même, ni dans la jouissance de la possession.
La propriété, emprisonne
La simplicité délivre
A l’heure de ces lignes, je me tiens dans deux mètres carrés.
A l’intérieur de ce périmètre, il n’est rien dont je déplorerais la disparition, rien qui ne puisse être remplacé par quelque objet équivalent ou dont l’absence causerait une souffrance intolérable.
Dans ces deux mètres carrés, quelques tapis, des couvertures, quelques vêtements, tout au plus, un zafu, des bougies, de l’encens, un briquet, deux ou trois livres, un vieux mouchoir, une thermos, un petit bureau d’enfant fait de branchages.
Et tout l’univers.
J’y suis mille fois plus heureux que n’importe où ailleurs.
Dans le monde normal, celui de l’autre côté du jardin, une cascade d’objets obstrue la pratique.
Alors, Je pose la question:
Pourquoi 15 tasses si on est 5 à la maison ?
Pourquoi un service avec des assiettes assez fourni pour toute la rue ?
Pourquoi des armoires débordantes de vêtements que personne ne porte, et qui ne peuvent se porter tous à la fois ?
Pourquoi tant de fois acheter ces jouets de plastique ? Pourquoi décorer chaque centimètre de babiole ?
Pourquoi 500 chaînes télévisées pour déblatérer la même chose ?
Pour y mettre toutes ces chaînes combien de télévisions ?
Pour y laver tous ces couverts, il faut un lave-vaisselle, et un lave-linge si tout le monde souhaite cinq tenues par semaine.
A bien y regarder, de toutes les choses qui se branchent, laquelle est vraiment essentielle ?
Et tous ces livres prétentieux, pour quoi ?
Derrière les phrases, ses musiques, que la télévision, les portables, les tablettes font voler à travers les pièces, desquelles n’aurait-on pu se passer ?
Continuons, dans le désordre — cet inventaire semble ne jamais prendre fin :
Un garage pour y mettre une voiture, dont l’utilité peut être mise en question : ai-je besoin de rayonner si souvent dans rayon de 200 kilomètres autour de chez moi ?
4 paires de chaussures par personne, soit 40 chaussures pour 10 pieds à la fois ?
Les cendres et le brasier des objets,
la joie de vivre.
Le volume des objets participe au volume des gesticulations, des mots et des pensées. Il faut les acheter, les comparer, les échanger, les trimbaler, les envier …
Car sorti de l’emprise des objets, où irait-on courir ? De quoi parlerait-on encore ?
A quoi penserait-on ?
Les jeux identitaires se voient radicalement délestés des angoisses attenantes dès lors que le nombre d’objets avec lesquels nous entrons en interaction.
A ces objets physiques s’ajoutent les objets psychologiques (idéologies, concepts, pensées) qui suivent exactement les mêmes logiques d’accumulation et les mêmes capacités d’obstruction au quotidien.
Franck Joseph
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Je perçois bien tes mots car je viens de déménager en emportant ces milles objets cumulés pendant les années . Dans ma nouvelle maison ancienne où il faut tout refaire pas de place pour les étaler à nouveau. Et alors j’ai 15 m2 dans une pièce qui tenait d’un vieux four à pain et j’y ai mis l’essentiel et je vois que plus besoin d’autre chose et je m’y sens bien et ces milles objets ne m’empoisonnent plus. La vérité est simple . Je ne te connais pas mais je crois qu’on se connaît. Merci
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Bonjour Zahra
Merci pour ton message.
Effectivement, c’est incroyable comme on peut avoir besoin … de rien.
Dans ce confinement récent, beaucoup de personnes l’ont découvert, et cela ne semble pas réjouir les tenants et acteurs du « monde d’avant », comme on l’appelle. Tant mieux.
Cette « nouvelle maison ancienne » semble pleine de promesses…
Je pense, comme toi que, meme si la réalité est complexe, la vérité est simple.
Elle se reconnaît au demi sourire,
A moitié pour le monde
A moitié pour soi-même
Peut-être bien qu’à un certain niveau, on se connait…
Merci à toi,
Au plaisir,
f
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