Après tant d’années passées à la vivre, à en suivre les flux, toutes ces milliers d’heures à tenter de la comprendre et d’améliorer son articulation, sa pertinence, sa vélocité,
J’identifie pourquoi la musique m’apparaît désormais comme une source de fatigue, une de ces diversions qui drainent l’énergie de l’être au dehors et le laisse saoulé et affaibli.
Ce n’était pas la musique, mais la composante discursive des titres et chansons.
Dès lors que la musique m’apporte apaisement et joie, je m’apercevois qu’il s’agit toujours de musique dont la composante discursive est, sinon ôtée, réduite à minimum.
La musique est indissociable du temps, elle repose sur lui toute entière et le temps s’y déroule. Il fait le temps.
Avec ce procédé de révélation temporelle,apparaît narturellement le discours, la chose qui se dit, s’explique, s’alambique, s’enroule et se déplie. Plus largement, il en va de même du langage. En dehors du temps il ne peut se developper aucun propos.
Ces musiques qui me viennent alors à l’esprit sont des expériences d’atemporalité. Comment créer le non-temps par le temps ? Comment, en se servant du temps, dire ce qui ne passe pas ?
La maladie rhétorique dans le déroulement musical, se fait pudique et reste en retrait ou ne naît pas.
Les marqueurs rythmiques sont espacés, le BPM lent, pour diluer le temps. Ils se font, sinon anecdotique ou volontairement brouillés, de facons à ce qu’aucun schéma de régularité temporelle ne puisse émerger. C’est le cas des chants d’oiseau, et bruits de nature qui se mélangent sans qu’aucun modèle intelligible — au sens d’un discours construit– n’emerge.
Les timbres et fréquences prennent toute leur importance. Le grain des sons et leurs ondulations offre l’expérience d’atemporalité par l’immédiateté.
Pourquoi la compréhension n’a-t-elle pas prise ? La faculté de préhension sur la matière sonore cesse de s’exprimer et laisse la place aux plages d’éternité qu’elle a toujours cherchées sans jamais les trouver.
Chercher à s’apaiser et être, par sa nature, la cause de l’anxiété.
Le discours humain en est l’expression.
Par les mots agencés, nous cherchons la réponse à l’angoisse de l’existence et par les mots agencés, nous l’occultons immanquablement.
La pratique de l’assise est au langage ce que les musiques atemporelles sont aux déblatérations des radios populaires : une expérience de l’atemporalité par soustraction du discursif.
©FJ March 2022
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