Celui que l’on nomme souvent par faiblesse lexicale et paresse intellectuelle le “complotiste”, est en général un assez ‘bon client’ de la pratique spirituelle.
En effet, sa disposition principale, ce que la société aime qualifier de complotiste, consiste en une micro-rotation de l’angle de la tête alors que celle des autres membres s’oriente vers ce qu’il est donné de voir.
Dès lors, sa perception du monde est modifée : les codes et grilles qui jusqu’alors constituaient son principal module d’appréhension du monde s’annulent brutalement.
La pratique spirituelle, la méditation consiste, du moins dans ses premières fréquentations, à permettre les conditions de la mise en place d’un décrochage similaire par rapport au train de l’expérience du monde, lancé à peine vitesse.
La méditation permet d’insérer parmi les rails droits interminables, des chicanes, des ralentissements…
Ceux-ci dévoilent alors toute l’artificialité des paysages perçus depuis le train et invitent à le quitter.
Il faut ici noter que la particularité de celui que l’on nomme complotiste et qu’il conviendrait d’appeler “chercheur de vérité”, “enquêteur du réel”, n’est qu’un module principal, il vient se substituer à un autre module issu du même logiciel de base : une conception venue du mental, une application intellectuelle, assez souvent frappée d’un tropisme aussi séduisant que simpliste (ou séduisant parce que simpliste), il se retrouve donc victime d’une autre bulle d’illusion, tout autant auto-entretenue que celle qu’il partageait jusqu’alors.
Je suis parfaitement conscient que ce profilage du complotiste n’est lui-même pas exempt de “simplisme” et peut sembler superposable au regard que porte l’esclave qui s’ignore sur ceux que les maîtres dénomment aujourd’hui: “les complotistes”.
Ce que la pratique spirituelle peut offrir aux enquêteurs du réel est un clic, un saut supplémentaire, un coup de flipper, de plus inattendu, permettant à la bille frappée une première fois et guidée dans un second étage de jeux, de s’extraire du boitier de plastique et ce, définitivement.
Ainsi, le capital psychique de l’individu est épargné. Puis dans l’étage de jeu parallèle, celui de la grille de lecture de substitution) il tourne fou, se cogne aux parois et ne peut que s’éroder.
La sérénité qui le gagne dès lors le conduira vers une voie de silence et de compassion.
La fébrilité de la méfiance étendue s’éteindra progressivement.
Le pratiquant spirituel peut voir le complotiste comme un être déjà en chemin.
Avec un sourire, il peut espérer le coup de flipper ultime, celui qui le fera sortir de ses schémas sans les contredire.
La religion institutionelle peut ici s’intercaler comme un obstacle supplémentaire. Elle ne fera que renforcer les crispations fondamentales du chercheur de réel.
Une pratique abrupte, radicale et sans concession comme le Zen, non pas celui des dojos tristes mais l’assise en simplicité de l’homme nu, saura mettre à profit la démarche de celui-ci, tout en le conduisant de sphère en sphère, vers des chemins de tranquilité où l’ensemble des questions abordées ici cessent de compter.
