La Chasteté Chantante

On peut regretter le fait qu’il est aujourd’hui beaucoup plus hype, cool et trendy, de parler de mindfulness (« pleine conscience »), terme anglophone faisant référence lointaine à l’une des huit branches du sentier du Bouddha — celle de Sati –, que de parler de chasteté, terme gris, désuet, tout aussi mal compris, et présent dans la tradition chrétienne depuis….le début.

Il s’agit en réalité de la même chose.
Généralement la chasteté est connue comme étant l’une des trois formes du vœu que fait  le religieux chrétien ‘professionnel’ : vœux de pauvreté, de chasteté, et d’obéissance.

L’erreur la plus commune est victime du tropisme bien connu de l’Église d’une certaine époque : faire de la chasteté une histoire sexuelle.
C’est ici que se glisse la fréquente confusion entre chasteté et continence.

Le domaine de la sexualité n’est en réalité qu’une seule des sphères d’application de la chasteté.
Celle-ci s’applique à tout ce qui attrait à la relation.

Relation à l’autre, relation à moi-même, relation aux autres êtres vivants, relation à l’objet « inanimé », relation à l’alimentation, physique (nourriture) et spirituelle (éléments croisés sur le quotidien de mon chemin de vie (lectures, émissions, sites internet, histoires scénarisées des autres, histoires scénarisées personnelles).

En dépit de l’énorme différence entre les résonances respectives des termes de chasteté et de mindfulness, j’éprouve la plus grande difficulté à dissocier une relation consciente et une relation chaste.

La pleine conscience est toujours chaste et la chasteté, toujours consciente.
Pas de conscience sans chasteté, et inversement.

Rappelons que chasteté et célibat n’ont strictement rien à voir. Chez les ecclésiastiques, ce dernier n’a été imposé qu’au XIè siècle. Avant cette date, les hommes et les femmes de Dieu, bien que non-célibataires avaient tout le loisir d’être chastes. Célibataires depuis cette date, sont-ils toujours chastes ?
Et le plus strict des abstinents peut être aussi éloigné de la chasteté que ne l’est tout un continent de continents de la plus débridées des fornications.

Sérieusement : absence de rapports sexuel et chasteté n’ont rien (mais alors rien de rien) à voir.
Je vous laisse ici quelques secondes pour digérer le morceau. Dans beaucoup de cervelles, cette  réalisation peut apaiser les congestions, et dans beaucoup d’esprits, la stagnation commence à se dissiper.

La chasteté est relation de conscience.
-Conscience des conséquences de mes actes, paroles et pensées
-Conscience des modalités de la relation, et de la portée créatrice de celles-ci : suis-je dans l’agressivité (même légère et diffuse), dans l’utilisation de ce qui se trouve devant moi à des fins stratégiques (seraient-elles infiniment banales et quotidiennes) ?
-Conscience des vertus potentielles de l’absence de relation, conscience du besoin qui s’exprime à un moment précis, écoute de celui-ci).
Puis-je alors cultiver un espace d’expression au sein duquel ce besoin saura s’apaiser dans le respect de tous, à la lumière des ramifications de causes et de conséquences ?

Je peux ainsi ouvrir une porte de manière chaste :
C’est à dire ne pas l’ouvrir de manière brusque, l’esprit totalement focalisé sur la nourriture qui m’attend dans le placard.

Je peux ensuite manger chastement :

Ne pas me ruer sur le repas en absence totale de conscience des éléments ayant permis sa présence devant moi, ou des effets diététiques, financiers, sociétaux, spirituels, qu’aura ma consommation d’un tel aliment.

Je peux parler avec mon fils, de manière chaste :

Écouter profondément ce qu’il me dit, sans laisser mon écoute être guidée par mes réflexes psychologiques de surface (ce que j’aime, ce qui m’intéresse, ce que je devrais faire au lieu de l’écouter maintenant).

La chasteté est, de manière plus inattendue, une voie de délices profonds, un chemin d’approfondissement du bonheur.

En la percevant comme une pratique d’affliction, de frustration, on oublie alors sa vertu première qui est celle de l’épanouissement de l’être, de la réalisation.

La chasteté est aussi un regard que nous pouvons porter sur le monde, source d’une joie profonde.

Comme le bol, la chasteté est chantante.
Ce regard joyeux se forge dans les flammes de la non-chasteté.

Il faut se connaître en situation de non-conscience. Cet aspect est peut-être plus clairement approché en visualisant l’effet d’une vie menée de manière non-chaste, débouchant sur l’épuisement. Consumé, c’est nous-même que nous consommons en consommant le monde.

Mille fois, je n’ai rien entendu et mille fois, j’ai brutalisé l’environnement
Mille fois j’ai marché trop vite et mille fois englouti mon repas
Mille fois tu as frappé à ma porte et mille fois je n’ai pas ouvert.

4 commentaires

    1. merci à toi..
      Nulle prétention à l’éclairage officiel ici…
      J’ai simplement le sentiment que ces deux ‘pratiques’ ne sont en réalité qu’une seule.
      Les emballages ‘sexy’ de la mindfulness cachent la profondeur de cette voie.

      Parallèlement, les amoncellements poussiéreux de la ‘chasteté’, étouffent la richesse de sons propos.

      Aimé par 1 personne

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