La fréquence communicationnelle que l’adulte utilise pour parler à l’enfant est souvent inappropriée.
Avec une certaine lourdeur, l’adulte modifie ostensiblement son créneau d’expression par défaut pour se calquer sur ce qu’il pense être celui de l’enfant. Ce dernier, doté le plus souvent d’une grande force d’adaptation, répondra à l’adulte sur la fréquence correspondante afin que celui-ci trouve satisfaction dans l’acte de communication.
Par cette adaptation l’enfant, faisant ici preuve de finesse instinctive et de compassion, lui offre alors la possibilité de sauver la face.
Il en résulte malheureusement une teneur et un cadre d’échange totalement artificiel entre l’adulte et l’enfant.
En agissant de la sorte, l’adulte flatte la représentation grossière et distante qu’il a de l’enfance. C’est également pour ce locuteur une protection : par le merveilleux alibi de la « gagatisation », de la niaiserie assumée, il envoie tous les signaux de la plasticité relationnelle et se conforme à ce que les gens imaginent généralement de ce que doit être la relation adulte-enfant.
Dans le même temps, il n’entre pas en relation véritable avec l’enfant.
Il tire ainsi le bénéfice social de l’acte, en se pliant à la mascarade adoubée par ses pairs adultes, et il ne prend aucun risque de confrontation avec ce que l’enfant aurait à lui dire de l’adulte qu’il est.
Plus simplement, il reproduit ce qu’il a lui-même perçu comme mode relationnel normalisé, alors qu’il était enfant et concourt à entretenir le mythe de la niaiserie.
Il ne s’agit pas de prendre l’enfant pour un adulte mais de prendre le risque de s’exposer, de s’abîmer dans cette relation, ce que la complaisance avec la mythologie du gaga ne permet pas.
Franck Joseph
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