Un Clin d’Oeil au Bouddha

S’incliner publiquement devant le bouddha puis devant le zafu avant de prendre place, je ne m’y résous pas.

J’éprouve pourtant sans restriction, un respect profond pour le Bouddha et je consens à l’idée que chacune de ses représentations, bien qu’étant aussi éloignée de la vérité du Bouddha que le signifiant l’est du signifié, constitue une occasion de se rappeler à ce respect.
Mais quelque chose bloque.

En effet, qui s’incline ? Celui qui se différencie du bouddha et veut marquer sa déférence comme on aligne sa cible dans le viseur ?
Le tireur n’est pas la cible et le pratiquant, même s’il aspire à le devenir n’est pas le Bouddha.
Mais le pratiquant est la voie et le Bouddha.
Quel sens y a-t-il donc à s’incliner ainsi ?

Et le zafu – une des premières personnes à m’avoir présenté cette pratique consistant à saluer le zafu m’a dit, avec le décalage provocateur qu’il est de bon ton d’utiliser dans le zen afin de se situer dans le consensus, que « on n’est pas complètement cons, on salue pas un coussin, quand même ! »
…et pourtant….

En saluant le coussin j’honore ce qui représente la posture, mais, par ce même geste de respect, et comme dans le cas de sa représentation du Bouddha, je m’en distingue et reconnais implicitement, par le truchement de la déférence, que cette posture n’est pas la mienne.
Ici encore, par certains actes, cela semble éloigné des postulats d’accomplissement et de nature de Bouddha propres au Mahayana.

Plutôt que de saluer ou d’honorer, nous pourrions utiliser le verbe reconnaître, comme on fait un clin d’œil complice à celui qui nous est si proche qu’il est inutile de le saluer avec les ronds de jambe et manières que l’on réserve aux autres convives.

Faire un clin d’œil au Bouddha,
c’est se prosterner intérieurement, sans prêter le flanc à l’ostentatoire spirituel.

Offrir un gassho, complice et intérieur, devant le zafu n’est alors plus un moyen d’avoir la posture à l’esprit mais d’être cette posture en esprit.

C’est un alignement subtil, celui entre le 2 et le 1, le pis-aller entre la voie qui se montre et la voie qui s’ignore.

Franck Joseph

©FJ May 2019

Les articles et méditations sont disponibles en version papier ici : RECUEILS

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