Maître Chat (猫先生)

Ce qui m’étonne au matin alors que le chat s’invite dans mon zazen, et semble vouloir trouver toutes les distractions possibles pour contrecarrer mon plan d’une séance avant le lever du soleil : il parcourt la pièce en tout sens, fait un bruit phénoménal, tire sur le moindre bout de ficelle qui dépasse et m’escalade le torse à la recherche d’attention.

Tout cela m’amuse et je finis par lui donner satisfaction sous la forme de quelques caresses parce que, après tout, il est vraiment trop mignon.
Si de telles interruptions avaient été initiées par l’un de mes enfants, je ne l’aurais jamais accepté.

Pourquoi donc le chat bénéficie-t-il d’un traitement de faveur et l’enfant écoppe d’une réprimande alors que dans un cas comme dans l’autre, il s’agit d’un être au spectre de conscience limité de par sa nature (animale / enfantine) et incapable, du moins, depuis mon point d’observation, de saisir la grande importance que j’accorde à ma pratique matinale.

La différence vient du fait que le degré de conscience, s’il est restreint des deux cotés, est néanmoins différente en nature.
La sphère de correctibilité — la possibilité d’être compris par le chat, est bien moindre.

Les enjeux de la pratique sont réels, en revanche, la proximité que j’ai — par nature– avec l’enfant, quel que soit son âge, au final, en fait le receptacle de toute une série de projection de ma part. Cette volonté de corriger son comportement m’enferme dans une spirale délétère : celle du dialogue avec moi même…serais-je capable de me faire entendre ? Respecter ? Obéir ?)

Dans le cas de l’enfant, l’intéraction se fait sur le registre de l’affirmation.
Dans le cas du chat, l’intéraction ne met pas en jeu (ou dans une mesure bien moindre) la reconnaissance (adulte), de mon statut, de ma démarche (méditation), de mon rôle (père).

Dès lors, le chat m’invite au coeur même de la pratique puisqu’il pointe de la queue la composante assertive des interactions humaines comme source de souffrance.
Ce même schéma, avec un enfant, aurait donné lieu à de multiples interruptions, réprimandes, frustrations.
Le tout éventuellement saupoudré de pleurs, et d’une cascade de conséquences relationnelles, impliquant d’autres actions probables.

Avec le chat, je ne cherche pas à m’affirmer puisqu’il n’est pas en mesure d’adapter son comportement. Cette dernière phrase est cruelle.

Elle révèle également que l’etroitesse du spectre de conscience en’est pas forcément du côté que l’on croit, ne serait-ce que d’un point de vue situationnel et non intentionnel, ce qui reste à prouver, le chat m’enseigne que ce qui constitue le coeur même de nombre d’interactions et l’origine de noeuds relationnels pouvant se reserrer jusqu’à devenir irrespirable.

©FJ July 2022
Groupe de Pratique
RecueilsParticipations
Merci à tous

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