Je m’exprime ici à partir de mon expérience personnelle de musicien, de mélomane, de méditant. Les années passées me laissent observer une tendance dans la façon de vivre et d’apprécier la musique.
Je partage ici les fruits de l’observation de ce qui a pu, selon les moments, me faire relever de l’une ou l’autre de ces démarches.
Bien que ces étapes soient graduées à mes yeux, elles ne constituent à aucun moment des blocs monolithiques strictement imperméables.
Il s’agit davantage d’un continuum : les courbes de délicatesse, affolées à leur départ, finissent par se confondre et s’apaiser dans le silence.
On pourrait bien sûr envisager une infinité d’étapes intermédiaires et des oscillations sans fin entre l’une ou l’autre.
1) La musique-produit, celle dépendant des goûts que l’on pense être les nôtres, peut apporter un premier niveau de relaxation.
Au sens elargi, Il s’agit principalement de musique pop.
Ces flux sonores sont caractérisés par des composantes à fort potentiel d’identification.
Ceci est simplement dû au fait que ces titres rassemblent une myriade d’éléments auxquels il est facile de s’identifier : une signature rythmique caractéristique, un type d’arrangement représentatif, des paroles véhiculant tel ou tel type de comportement, et toute une esthétique périmusicale véhiculée par les magazines les clips vidéos, les apparitions publiques et les comportements privés des stars.
L’écoute de ce type de musique opère alors un décalage plus ou moins conséquent avec une réalité jugée ennuyeuse, peu agréable…
En cela, ce premier niveau offre un palliatif momentané à l’ignorance depuis laquelle nous jugeons le réel insatisfaisant, ne serait-ce qu’au niveau des stimulations qu’il propose.
2) Le niveau de relaxation suivant est induit ou facilité par une musique calme et apaisée.
Nous quittons ici les sphères de la production commerciale pour privilégier les arrangements instrumentaux, atmosphériques, les nappes vocales, les sons d’ambiance.
Il s’agit toujours d’un procédé de décalage avec le réel, mais cette fois, et de manière plus universelle, c’est-à-dire non dépendante des goûts et couleurs de l’auditorat.
Cette musique ouvre l’accès à des états de détente plus profonds, incluant des facteurs physiques de détente musculaire et favorisant une certaine sérénité intérieure.
L’absence de densité dans le déroulement des événements musicaux, l’absence de recherche d’intensité émotionnelle (critères caractéristiques du premier niveau), permet un mouvement aller- retour :
Dans un premier temps nous nous éloignons du réel pour ensuite le réintégrer différemment, profitant ainsi de l’ouverture rendue accessible par les différentes expériences de détente physiques et psychiques relevant de la fréquentation de ce second niveau.
La lenteur des mouvements rythmico-mélodiques permet de désamorcer les élans intérieurs puissants, constituant des réactions vis-à-vis du réel.
C’est le sentiment plus ou moins profond d’acceptation qui se cultive par le truchement de ces musiques apaisantes.
3 ) Cette familiarisation permet progressivement d’évoluer vers une capacité à se passer de ces amorces de paix, jusqu’à les rendre totalement accessoires et (paradoxalement…) à les considérer comme des voiles inutiles entre l’être et le réel.
C’est l’étape du son des camions, des voix d’enfants,des pépiements d’oiseaux… Celle de la pluie qui tombe sur un toit de tôles ou dans l’eau des fontaines.
C’est l’étape du pied contre le sol guidant la marche du promeneur.
C’est aussi l’étape où la distinction en étapes n’a plus grand intérêt.
Franck Joseph
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