L’âge avance et moi pas.
Cette lente bête de somme se bloque
tel un mulet revêche — qui jamais, pourtant ne recule —
les années passent et moi, je reste.
Bien sûr, je ne reste pas le même. Une vague rétrospective sur les vingt dernières années suffit à confirmer cet adage intuitif que je traîne à mon cou:
Toujours aussi stupide, toujours aussi sauvage.
Toujours aussi solitaire et toujours aussi suspicieux
Toujours le même, mais très différent.
Les traits semblent s’être ancrés et intériorisés.
Ainsi, l’immaturité a gagné en maturité.
A 39 ans, j’ai aujourd’hui assez changé pour ne plus croire au changement.
J’ai assez découvert et assez appris pour ne plus croire aux découvertes et aux apprentissages.
Et pourtant, n’étant manifestement plus le même, j’habite toujours ce corps-véhicule avec la même conviction.
A moins que le constat de conviction illusoire suffise à noter un décalage de conscience entre celui qui habite et celui qui apprécie cette conviction.
Cette constante, non pas dans les composantes ou les manifestations du moi mais dans la modalité d’expression, est franchement ébranlée par les chiffres des années qui tournent.
40 bientôt et toujours aussi ignorant du monde élargi — celui qui se dessine au delà et en dépit de nos desseins. Celui-là même que je ne savais envisager il y a 20 ans.
Suis-je donc autant bercé par les roulements du panier à salade ?
Qu’est ce que ces années ont apporté finalement ?
Plutôt qu’un compteur, un bœuf ou un mulet, pourrait-on envisager le temps et ses poignées d’années comme les sacs de sable qui tombent depuis le panier en osier de nos corps, permettant à nos consciences de prendre de la hauteur et de gagner en perspective, de se détacher des oppressantes gravités.
Si, grâce au temps, nous nous fondions dans le bleu, dans le blanc,
puis dans le cœur du noir ?
Si les années qui passent me permettent de laisser le souffle ascendant de l’esprit s’exprimer davantage, il serait bon de prendre un stylo et, pendant les quelques minutes nécessaires à la clôture de cet article, de remercier le temps qui passe.
Franck Joseph
Texte et Photo ©FJ January 2020
Text ©FJ December 2019 – All rights reserved.
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