Apprivoiser le Feu

L’amour est cruel, tout le monde le sait.
A mesure que l’on s’approche, pourtant, cette vérité adossée par l’ensemble de la littérature au travers du globe, révèle un autre visage.
Ce n’est pas l’amour qui est cruel, mais le désir — impulsion qui nous pousse sur le chemin biscornu de l’amour. Notons que l’amour dont nous parlons ici est celui qui remplit les pages des romans : la forme romantique…un Éros, dans toutes ses manifestations, y compris, les moins romantiques.

Qu’y voit-on quand mutent les traits symétriques de son visage ?
La vérité.
La symétrie est une vérité géométrique : ses manifestations dans le monde ne peuvent que “tendre vers” cette symétrie, sans jamais l’accomplir vraiment.
Dans l’objet de notre amour (qui est en fait le sujet), point d’autre symétrie que celle qui disparaît tandis que l’on s’en approche. Une figure relative, un enchevêtrement de compromis.

La symétrie-fantasme est la matière de l’Eros quand il met le feu au désir en nous.
Et quand bien même nous aurions mille fois rencontré la frustration d’union, une fois encore, juste une fois, nous courrons.

Ainsi lancés, tel un lévrier sur les sentiers du désir, nous galopons.
Plus près, plus près, au plus près de la moitié, jusqu’à presque toucher la symétrie manquante, l’autre partie de l’axe, celle qui fait sens et esthétisme. A notre main sur son épaule, le visage se donne à voir pour ce qu’il a toujours été :
Rien d’autre que ce qu’il est.

Enchevêtrement de compromis, un jeu de mikado tombe du mieux qu’il pouvait.
Ici beaucoup de jeunes âmes, ayant entr’aperçu l’imparfait, retournent en furie à la salle des machines, au coeur de la fournaise et se saisissent de tout ce qu’ils peuvent pour le jeter au feu. Raviver l’illusion, un peu plus loin, ils gonflent leurs voiles de fumée jusqu’à ce que nécessairement, elles s’embrasent et les laissent errants, sur un radeau inutile, au milieu de l’océan.

D’autres, moins enclins à l’entretien des foyers fuient au plus loin. Persuadés que le feu n’a pas pris comme il aurait dû, que l’objet de leur amour n’est pas correctement inflammable, ils errent dans l’attente du coup de vent.
Au gré des visages rencontrés ou des paroles racontées, ils verront les flammettes toucher les bouts de tissus qui volent autour et s’en iront pour une nouvelle chevauchée du désir-impulsion.

Qui reste-t-il alors pour ne pas surenchérir de fantasmes, ni partir chercher une autre embardée sauvage ?
Qui saura affronter l’illusion de son regard premier ?

L’illusion est la mèche
Et Le désir est le feu.
La pratique au quotidien est de ne pas tendre vers la mèche
Suffisamment ne pas tendre  pour que le feu s’amenuise
Sans mèche inflammable
Qui aurait peur du feu ?

Franck Joseph
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