Observe bien le circuit des répétitions.
Celui auquel l’autre condamne ton esprit.
Derrière le bruit des moteurs,
Assieds ton regard froid
Et vois les tours incessants,
Où se rejouent chicanes et virages serrés,
Accélérations et passages au stand pour se ravitailler
A chaque tour, ton rythme accélère
Et les mots s’y engouffrent
A chaque fois plus vite
Tu te condamnes ainsi à la sortie de piste.
C’est une spirale, un tube fermé
Où la collision est le seul débouché.
Parce que tu es un bon pilote, tu t’en es toujours sorti auparavant.
Si tes équipes se fatiguaient et les bolides finissaient tous par se prendre un panneau
Toi, tu les déjouais.
Tu pilotais au travers des chicanes jusqu’à ce que s’épuisent les dernières gouttes d’essence.
Au bout. Du bout de tout,
Tu revenais parmi nous.
Et fonctionnais ainsi jusqu’à la prochaine course.
Mais aujourd’hui, c’est différent
Le circuit auquel tu te condamnes ne risque pas la pénurie d’approvisionnement
Et les pensées entre lesquelles tu négocies sont bien plus fortes que toi.
Quelque chose a changé.
Dans ce tunnel de bitume, tu cours au drame, tu n’en sortiras pas.
Moi qui ai connu les courses les plus folles de par les mondes insoupçonnés, je te le dis :
N’y entre pas.
Tu as rejoins le bolide, chaussé l’habit et refermé la visière.
Le pied sur la pédale, le moteur vrombit déjà et de rage, demande à en découdre…
Ne crois pas que dix mille tours te suffiront.
Quand la haine se déverse, ce n’est pas la force de volonté qui vient à bout
Des percées que l’acide dessine dans le cœur.
Et ton intelligence, tes lumineux éclairs ne peuvent entourer de leurs jets scintillants
Les véhicules aujourd’hui en présence.
De cette course, tu ne reviendras pas.
Que peux-tu faire alors ?
Pourquoi pilotes-tu ?
Pourquoi charger ton réservoir à bloc et brûler l’energie des autres ?
Pourquoi te tiens-tu au volant d’un engin de mort,
Au départ d’une course à laquelle tu n’as jamais souhaité participer ?
Souviens-toi que tu n’y peux vraiment rien.
Cette compassion que tu brûles pour guérir l’autre et toi-même
Est un automatisme mortifère.
Ces ruminations auxquelles tu te soumets
Te conduiront dans un mur psychique.
Les énergies en présence sont trop puissantes.
N’y harnache pas ton intelligence.
Cette fois-ci, il n’y a pas de solution qu’elle soit en mesure d’apporter.
Pas de poche d’air soudainement découverte où tu peux encore emmener l’autre respirer.
Ce travail n’est pas le tien.
Ne l’endosse pas.
Piloter tes tristesses dans les conduits sombres des solitudes
Négocier les virages impossibles des étroitesses d’esprits
Éviter les collisions avec les pilotes fous
Et trouver, quelque part, le surcroît de courage et de foi
Pour vider les dernières gouttes de la rage des autres.
De l’essence aujourd’hui
Il ne peut y avoir de sécheresse et la course dans laquelle tu t’engages
Ne peut laisser de survivant.
Sors de ton véhicule pendant qu’il en est encore temps.
Je ne connais pas d’autre solution que celle d’attendre, triste en te promenant.
Et comme je le fais avec toi aujourd’hui,
De conseiller les survivants.
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